Marie Lelong adore en faire toute une Histoire ! (2/3)

Marie Lelong adore en faire toute une Histoire ! (2/3)

                                                                 

                                                                        Marie Lelong adore en faire toute une Histoire ! (2/3)

 

Marie Lelong adore en faire toute une Histoire ! (2/3)

Marie Lelong, guide-conférencière, devant le donjon du château de Vincennes

 

Nous avons le plaisir d’accueillir Marie Lelong, guide-conférencière, à Paris et en région parisienne. L’Histoire antique, médiévale et moderne sont des sujets qu’elle partage avec ferveur sur les lieux de ses visites. Le château de Vincennes, la basilique de Saint-Denis, la Conciergerie, la Sainte-Chapelle de Paris, en passant par le Jardin des Plantes, Lutèce… ne sont qu’une partie du patrimoine qu’elle vous fera découvrir. Cette semaine sur Humanvibes, dans le cadre de la thématique des animaux dans l'Art et l'Histoire, elle s'intéresse à la représentation de ces derniers dans l'art funéraire.

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La symbolique de l'animal dans l'art occupe une place importante, en particulier dans le bestiaire médiéval. A l'origine, le terme « bestiaire » est utilisé en littérature et désigne les manuscrits dans lesquels on trouvait de nombreuses illustrations d'animaux dans les enluminures, mais aussi dans les textes. Les animaux pouvaient être les principaux protagonistes des histoires, notamment des fables. Par extension, le « bestiaire » est la représentation artistique (sculptures, peintures, etc.) de figures animales qu'elles soient réelles ou imaginaires.

Le bestiaire était aussi employé dans un contexte funéraire. La basilique de Saint-Denis est considérée comme le premier édifice entièrement construit sur le principe gothique. Elle est devenue au XIIIe siècle, sous l'impulsion de Saint Louis (le roi Louis IX), la nécropole des rois et reines de France. Saint Louis n'est toutefois pas le premier monarque à s'y faire enterrer. Des personnages royaux s'y étaient déjà fait inhumer dès le VIe siècle. L'édifice religieux accueille aujourd'hui l'une des collections de gisants du XIIe au XVIe siècle les plus importantes au monde. Les gisants (terme qui vient du verbe « gésir », « être allongé ») sont des tombeaux représentant des personnes couchées. Ils sont essentiellement commandés par, ou pour, des personnages importants : des rois, des reines, des princes et princesses, des abbés ou encore des grands serviteurs du royaume. La sculpture se veut plus ou moins proche de la réalité. Dans un premier temps, les traits des personnages sont idéalisés et à partir du XIVe siècle, on observe davantage de réalisme.

 Chiens aux pieds de la reine Jeanne d'Evreux © Anthony Boile

 Chiens aux pieds de la reine Jeanne d'Evreux, épouse de Charles IV  © Anthony Boile

 

Une représentation animale de la vertu

Dès le XIIIe siècle, aux pieds de ces gisants, on trouve quasi systématiquement des animaux sculptés. La plupart du temps, il s'agit de lions et de chiens, mais il existe parfois d'autres types d'animaux. Bien que l'on place souvent des lions aux pieds des hommes et des chiens aux pieds des femmes et des enfants, cela n'est pas toujours le cas. La présence d'animaux n'est pas liée au sexe de l'individu représenté ou à son âge au moment du décès.

Le lion symbolise le courage, la force d'âme et la royauté. Mais au Moyen Age, il était aussi un animal associé à la résurrection. Comme de nombreux félins, le lionceau naît sourd et aveugle, comme s’il était mort. Une croyance répandue affirmait que ses parents arrivaient trois jours après sa naissance, soufflaient sur son museau, et le jeune animal se mettait alors à voir et à entendre. Il semblait revivre. Ces trois jours rappellent la résurrection du Christ selon les évangiles. Dans le contexte chrétien de l'époque, l'attente pour le croyant de sa propre résurrection qui devait avoir au Jugement dernier (le Christ doit revenir à la fin des temps pour juger les vivants et les morts), était forte. Les chiens sont quant à eux un symbole de fidélité, ici il s'agit de celle à Dieu et à la foi chrétienne. Les chiens marquent le fort rapport entre l'individu représenté et la religion. De plus, dans certaines traditions, et notamment dans la mythologie celte, le chien est un animal psychopompe, cela signifie qu'il est chargé d'accompagner les âmes des défunts dans l'au-delà.

 Dragons aux pieds du gisant attribué à Marie de Brienne© Anthony Boile

Dragons aux pieds du gisant attribué à Marie de Brienne, impératrice de Constantinople © Anthony Boile

 

D'autres animaux, moins fréquents, sont parfois représentés tels que les dragons ou les licornes, qui sont empruntés à un bestiaire d'animaux fantastiques. Ils viennent marquer l'immortalité de l'âme. Les dragons défendent l'âme du défunt contre le mal. Les licornes sont également des symboles de pureté présents davantage sur les tombeaux des jeunes filles décédées.

Porc-épic aux pieds de Charles d'Orléans © Anthony Boile

Porc-épic aux pieds de Charles d'Orléans © Anthony Boile

 

Des animaux de caractère

D'autres représentations animales mettent en avant un trait de caractère spécifique ou font allusion à la famille de la personne décédée : par exemple, le furet, l'ours ou le porc-épic. Dans le cas du gisant de Philippe d'Orléans, comte de Vertus et neveu du roi Charles VI (1368-1422), aujourd'hui situé à la basilique de Saint-Denis, le furet aux pieds du défunt montre le probable goût de ce dernier pour la chasse. Ce mammifère était employé pour la chasse aux lapins ou aux petits animaux comme les rongeurs. Le porc-épic sur le tombeau de Charles Ier d'Orléans, frère de Philippe, rappelle que son père a fondé le jour de son baptême l'ordre de chevalerie du Porc-épic, une manière de montrer à ses ennemis qu'il n'hésiterait pas à « darder ses épines ». Quant à l'ours, on le retrouve sur le gisant de Jean Ier duc de Berry. Il est aujourd'hui exposé dans la cathédrale de Bourges, ville où l'on vénérait Saint Ursin (« ours »). Le duc de Berry possédait également des ours dans sa ménagerie mais l'allusion à cet animal est davantage liée à un jeu de mots autour de son titre de noblesse : devenu duc de Berry, ce terme rappelle qu'en anglais, l'ours se dit « bear », faisant de lui le duc de « Bear-y ».

Moulage du tombeau du duc de Berry © Marie Lelong

Moulage du tombeau du duc de Berry (et son ours) exposé à la Cité de l'Architecture à Paris © Marie Lelong

 

Des sculptures médiévales de grande valeur

Jean, duc de Berry, également commanditaire du fameux livre d'heures, les Très riches heures du duc de Berry, était le frère cadet du roi Charles V (1338-1380). Le gisant de ce roi, situé à Saint-Denis, n'échappe pas à la règle et on y trouvait des animaux, en l'occurrence des lions. Trouvait ? Et bien oui, car à la Révolution française, les gisants de la basilique ont été retirés pour être envoyé dans des musées nouvellement crées. Dans la manœuvre, certains gisants ont été abîmés, voire même détruits, et des ouvriers chargés de les déplacer sont soupçonnés de s’être approprié les lions de Charles V. Ou bien peut-être est-ce Alexandre Lenoir, conservateur médiéviste, qui les a vendus pour financer son musée dans lequel les tombeaux allaient être exposés quelques années ? Les gisants reprendront leur place dans la basilique au moment de la Restauration de la monarchie sous le règne de Louis XVIII . En tout cas, on a longtemps pensé que les lions avaient totalement disparu, mais ils ont été retrouvés dans la collection privée d'un particulier anglais. Vendus aux enchères en 2017 par la maison Christie's, ils ont été achetés 9,3 millions de livres  (environ 10 millions d'euros) ! Une somme qui nous montre la grande valeur patrimoniale de ces sculptures médiévales.

Lions de Charles V vendus aux enchères © Google

Lions de Charles V vendus aux enchères © Google

 

Marie Lelong pour Humanvibes / Guide-conférencière en Histoire antique, médiévale et moderne

Site web de Marie Lelong

Page Facebook de Marie Lelong

 

Et pour aller plus loin :

Le bestiaire a fait un retour en force dans la littérature de ces dernières décennies, en particulier dans la littérature pour la jeunesse. Qu'il s'agisse du Monde de Narnia de C.S. Lewis, du Seigneur des Anneaux de J. R. R. Tolkien dans les années 1950, ou bien de la saga Harry Potter de J.K. Rowling et du Trône de Fer de George R. R. Martin plus récemment, les auteurs ont largement repris le bestiaire médiéval pour développer la dimension fantastique de leurs œuvres.

L'Histoire nous le dira (2019) – Harry Potter et les monstres médiévaux- Youtube

 

Marc / Humanvibes
Publié le 20/05/21

 

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