Paris vaut bien une prouesse !

Paris vaut bien une prouesse !

Sous Louis XIV, Gabriel-Nicolas de La Reynie a réalisé la prouesse de révolutionner la police parisienne par ses méthodes innovantes. Il est considéré à juste titre comme l’inventeur de la police moderne. L’auteur Jacques Forgeas nous emmène à la rencontre du lieutenant général de police sur Humanvibes, personnage central de son brillant roman historique « Les Fantômes de Versailles » paru aux éditions Albin Michel. Un meurtre tragique, un tableau énigmatique, des bas-fonds chaotiques. Le décor est planté. Les mystères planent sur Paris. La course contre la montre est lancée car le roi est impatient et veut savoir.

Jacques Forgeas est un écrivain français, connu pour ses talents de romancier, dramaturge et scénariste. Ancien élève du collège Jules-Michelet à Angoulême. Il a d’abord été professeur de lettres avant de se consacrer à l’écriture, publiant son premier roman noir, « Caméra-carnage », en 1982. Par la suite, il a intégré Gaumont en tant que dialoguiste et scénariste, où il a dirigé le comité de lecture des scénarios, contribuant notamment au film « IP 5 – L’île aux pachydermes » en 1992 de Jean-Jacques Beinex. Passionné d’histoire, il a également écrit des documentaires et des films biographiques pour la télévision française, ainsi que des romans historiques tels que « Le manteau de plumes », publié par Plon en 2002, et « Le Jumeau de l’empereur », qui a été nominé pour le Grand prix du roman historique en 2009. En 2013, il a présenté sa première pièce de théâtre, « Le Corbeau et le pouvoir », au Lucernaire à Paris.

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à Gabriel-Nicolas de La Reynie, nommé lieutenant général de police de Paris par Louis XIV en 1667 sur la proposition de Colbert ?

JACQUES FORGEAS – Gabriel-Nicolas de La Reynie a été le premier lieutenant général de police en France. À l’époque avec 600 000 habitants, Paris était la ville la plus peuplée d’Europe. Louis XIV avait conscience qu’elle était dangereuse, peu éclairée, nauséabonde et où il régnait chez les Parisiens un vent de révolte permanent. Il ne faut pas oublier que le roi a gardé durant sa minorité un très mauvais souvenir de la Fronde, il était donc très agacé par ce qu’il se passait dans la ville. Il a demandé à Colbert de mettre en place une police solide de façon à ce que l’on puisse s’y promener en sécurité, dirigé par un seul homme.


On peut dire que les dispositions prises par Louis XIV dans l’Édit de Saint-Germain-en-Laye en 1667 ont favorisé l’entrée en scène de La Reynie, dans lequel il était mentionné, entre autres : « Comme les fonctions de la police et de la justice sont souvent incompatibles et d’une grande étendue pour être bien exercées par un seul officier dans Paris, nous avons résolu de les partager. »


Absolument ! Le roi a toujours eu le dernier mot dans tous les domaines, mais la justice était à géométrie variable en fonction du pedigree des personnes et des circonstances. Il y avait bien la police qui tentait malgré tout de mettre un peu d’ordre auprès de la population, mais sans grands résultats. C’est pourquoi Louis XIV a pris la décision d’y remédier radicalement.

Jacques Forgeas (c) Hélène Bozzi

Grâce à votre roman, vous comblez un vide car comment expliquez-vous que La Reynie est été si peu présent dans la littérature et surtout au cinéma ?

C’est vrai, et bien je ne sais pas ! On retrouve Antoine de Sartine, qui a officié au poste de lieutenant général de police à partir de 1759, dans des romans de Jean-François Parot, mais cette absence dont vous parlez est un tort fait à l’histoire, car cette Cour des miracles entre le Châtelet et le Marais que tout le monde connaît a disparu grâce à La Reynie ! Tout un pan de quartier vers la Tour Saint-Jacques était devenu un État dans l’État préoccupant pour le roi. Il a été assaini et rendu beaucoup plus fréquentable grâce à son action.

Durant vos recherches, qu’avez-vous appris de surprenant sur La Reynie que vous ne soupçonniez pas ?

En fait rien ne m’a vraiment surpris, car tout ce qu’a entrepris La Reynie était bien documenté historiquement. On connaissait bien son champ de compétences qui était très important et surtout pratiqué de manière tout à fait officiel. Mais pour arriver à ses fins, il a été parfaitement secondé par François Desgrez ( lieutenant de la compagnie du Chevalier du Guet qui a été chargé par La Reynie d’enquêter sur « L’affaire des poisons », NDLR) et Nicolas Delamare qui était premier conseiller-commissaire au Châtelet. Ce dernier a même écrit un Traité de la Police dans lequel il faisait part de ses préconisations pour une police professionnelle efficace. On peut d’ailleurs le voir au musée de la Préfecture de police à Paris.

Nicolas de La Reynie (1665), par Pierre Mignard (1612-1695)

À votre avis, quel regard porterait La Reynie sur les méthodes d’investigation de la police d’aujourd’hui ?

Il serait admiratif ! Il était convaincu que les scientifiques avaient un rôle à jouer dans les enquêtes pour confondre les coupables. Également la médecine, puisqu’au Châtelet se trouvait la morgue que l’on appelait la morne, où des médecins légistes pratiquaient des autopsies qui renseignaient les enquêteurs sur les causes de la mort. C’était particulièrement utile pour, entres autres, les cas d’empoisonnement qui étaient devenus un fléau et pratiqués à grande échelle.

Dans « Les fantômes de Versailles » on apprend beaucoup de choses historiques dont l’une que l’on n’évoquera pas volontairement pour en garder le mystère, motus et bouche cousue ! Mais l’un des thèmes du roman est que les tableaux de maître pouvaient être des armes de communication massive pouvant volontairement ou non engendrer des interprétations préjudiciables…

Les tableaux de maître à l’époque étaient souvent des portraits réservés à ceux qui avaient les moyens de se l’offrir. Dans le roman, j’évoque la duchesse de la Vallière, grand amour de Louis XIV remplacée par la Montespan, qui décide de quitter Versailles pour rentrer dans les ordres. Mais avant cela, elle commande au grand portraitiste Pierre Mignard un tableau. Cette œuvre va être le grand mystère du livre car personne ne sait comment la duchesse va y être représentée. Cela inquiète de nombreuses personnes, comme le roi en premier lieu et son entourage. Quel message va passer en fonction du décor, de la présence ou non de certaines personnes ou d’objets, voire de vêtements etc. Un tableau pouvait entraîner des jalousies considérables en ayant conscience qu’il va traverser les siècles, à priori ! Sans compter celles autour de l’artiste qui exécutait la peinture vis à vis de ses confrères.

Envisagez-vous de publier d’autres aventures du lieutenant général de police La Reynie ?

J’apprécie beaucoup la période du XVIIe siècle et j’envisage effectivement de reprendre le personnage. Il y aura les mêmes protagonistes policiers qui gravitent autour de La Reynie qui auront d’autres enquêtes à résoudre avec le même mécanisme d’investigation. Il y a encore de belles histoires à raconter…

Propos recueillis par Marc Bélouis / Humanvibes le 16/05/2025

Et pour aller plus loin :

Le musée de la Préfecture de police, où l’on peut voir de nombreux documents, notamment ceux du XVIIe siècle, période évoquée dans le roman de Jacques Forgeas.

Google My Maps (c) Humanvibes (2025) – Icône Icon home

Gabriel Nicolas de la Reynie – Gravure au burin, vers 1670 – Pieter Van Schuppen, d’après Pierre Mignard – Humanvibes (2025) © Musée de la Préfecture de police
L’Édit du roi de Saint-Germain-en-Laye en 1667 – Humanvibes (2025) © Musée de la Préfecture de police
Traité de la Police de Nicolas Delamare – Humanvibes (2025) © Musée de la Préfecture de police
Médaille de La Reynie gravé par Henri Dropsy (1967) © Archives de la Préfecture de police

Plaque commémorative rue de la Cité à Paris. Il existe aussi une rue de la Reynie entre les Halles et le Centre Pompidou.

Plaque commémorative La Reynie © Wikimedia Commons / Mu

Véritable film horreur, « L’affaire des poisons » a, si l’on peut dire, empoisonné la vie de Louis XIV entre 1676 et 1682. Marie-Madeleine d’Aubray (1630-1676), marquise de Brinvilliers, est au centre de ce terrible scandale au destin funeste.

L’affaire Marie-Madeleine d’Aubray (2024)- Notre Histoire – © MORGANE PRODUCTION 2020 – YouTube

Marc / Humanvibes

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