Humanvibes fête ses 10 ans avec Caroline Riegel ! (1/3)

Humanvibes fête ses 10 ans avec Caroline Riegel ! (1/3)



 

                                                            Humanvibes fête ses 10 ans avec Caroline Riegel ! (1/3)

 

Les nonnes de Tungri © Caroline Riegel

 

 INTERVIEW – Caroline Riegel est ingénieure en constructions hydrauliques et aventurière-écrivaine-réalisatrice…C’est avec une grande joie partagée, qu’elle a accepté d’être la marraine des 10 ans de la création du site, et à cette occasion découvrez son interview pour Humanvibes en trois parties, véritable ode à l’humanité. Vous comprendrez pourquoi le nom Humanvibes est en parfaite osmose avec la très forte relation qu’elle a nouée avec des nonnes bouddhistes âgées de 25 à 85 ans, rencontrées pour la première fois en hiver 2004-2005, entre le Kashmir et le Tibet, au pied de la très grande barrière himalayenne.

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Le village de Tungri

CAROLINE RIEGEL – C’est une histoire qui ne se raconte pas en quelques mots… J’ai fait un long voyage initiatique au fil de l’eau en 2004-2005, où je suis partie seule deux ans à travers l’Asie. J’ai rencontré ces femmes par hasard au cœur du voyage. Cette notion de voyage au long cours est importante, car si cela était arrivé lors d’un trekking de trois semaines au Zanskar par exemple, rien ne serait déroulé de la même façon par la suite. Je suis restée une première fois au village sept mois en plein hiver,  où j’avais transformé mon rapport au temps, à la géographie, à l’autre et à moi-même. Les avoir côtoyées dans cet état d’être et d’esprit a offert une amitié et un partage de notre intimité bien plus fort et bien plus impactant.

La nonnerie de Tungri dans les hauts du village © Caroline Riegel

 

Retour au Zanskar

Je suis en relation permanente avec les nonnes de Tungri, mais cela faisait quelques années que je n’avais pas eu l’occasion d’y retourner en hiver, alors que je m’y rendais tous les étés pour gérer les divers projets et chantiers que nous avions en cours et qui ne peuvent pas se faire à la période hivernale. L’hiver là-bas, vous êtes hors du temps, tout s’arrête, vous vivez dans un autre monde. Je sentais néanmoins que le moment de bascule était proche et que le Zanskar que j’avais connu il y a 20 ans ne serait plus jamais le même. Ce que j’ai vécu lors de mon premier hiver a été d’une telle intensité de bonheur que cela marque à jamais : j’y ai passé les plus belles heures de ma vie, c’était incroyable ! Alors je voulais revivre un hiver, nous retrouver toutes ensemble, sans projets, sans chantier, sans visites… juste savourer l’instant dans sa joie infinie, avant que tout ne change au Zanskar avec les routes, la 4G…

La traversée du fleuve Tchadar, appelé le « fleuve gelè » © Caroline Riegel

 

Imprévus sur le fleuve Tchadar

Il y a 20 ans, on ne rencontrait que quelques locaux et quelques groupes de montagnards sur ce fleuve gelé en hiver. Je connais bien ce fleuve gelé. Je l’ai pratiqué un certain nombre de fois et j’ai même été porteuse sur ce fleuve en hiver il y a 20 ans. Une route avance peu à peu de part et d’autre, il ne reste plus qu’un tronçon à faire. Surtout, les Indiens l’empruntent désormais par centaines sur la première moitié de l’itinéraire jusqu’au village de Nierak et sa cascade. Pour la plupart, ils ne connaissent rien à la montagne et à l’hiver. Depuis 2020, les autorités ont mis en place des règles : l’armée et une équipe de secours encadrent les randonneurs, quand bien même certains militaires venant de la plaine n’ont aucune connaissance de la montagne ! Lors de notre marche sur le Tchadar, les autorités en ont interdit l’accès par les deux bouts suite à d’importantes chutes de neige et alors qu’une centaine d’indiens et leurs porteurs étaient bloquées à Nierak. L’armée les a évacués par hélicoptère.

Notre groupe (des profs du Zanskar, deux militaires à la retraite, deux nonnes, un villageois, moi et mon compagnon) s’est trouvé coincé dans une grotte où étaient postés un contingent de l’armée et l’équipe de secours. Il a été assimilé à des locaux et on nous a laissé continuer après avoir ravitaillé tout le monde en nourriture. Dans le documentaire, l’hélicoptère qui largue de la nourriture n’est pas intervenu spécialement pour nous. Plusieurs engins faisaient des rotations depuis deux jours pour évacuer les personnes bloquées plus haut à Nierak. C’est un militaire, dont la mère est originaire de Tungri, qui par radio a demandé des vivres pour tous ceux qui étaient coincés à la grotte, dont son équipe. Je n’ai pas pu tout montrer de cette péripétie pour différentes raisons éditoriales avec Arte, ce que je comprends car ce n’était pas le cœur du film, même si j’avais envisagé d’en montrer un peu plus sur les chamboulements de ce Tchadar devenu en partie une autoroute à touristes, un terrain de jeu célèbre, un lieu de récréation pour indiens en quête d’aventure facile.

La nonne Puntsok Dolma © Caroline Riegel

 

Le documentaire Zanskar, les promesses de l’hiver

L’idée de départ était de me retrouver seule avec elles. J’étais épuisée d’avoir porté toutes ces années la responsabilité de les avoir exposées au monde en les faisant voyager, en partageant le film Semeuses de Joie dont le succès nous avait un peu dépassé, en supervisant les chantiers aussi… Je voulais retrouver ce cocon en plein hiver, hermétique à l’extérieur, et Marianne Chaud qui a fait plusieurs documentaires sur le Zanskar m’a poussée une fois de plus à prendre une caméra et à filmer cet hiver d’antan avant qu’il ne s’efface. Dans mon premier film Semeuses de joie, j’évoque la notion de conscience du bonheur mais je ne la développe pas. Pour ce second film je voulais mettre en avant l’intelligence collective qui caractérise ce groupe de femmes. Sauf que rien ne s’est passé comme prévu. Pour commencer, mon compagnon a souhaité m’accompagner durant un mois. Le Tchadar, fleuve gelé, a été particulièrement coriace et nous y avons passé 10 jours au lieu de deux avec toute l’inquiétude que cela a généré pour nos amis au village. Ensuite, la jeune nonne Sonam a fait un déni de grossesse et accouché en catimini quelques jours avant mon départ qui a coïncidé avec l’explosion du Covid dans le monde.

Mon documentaire est intime, spontané, non écrit avant le tournage. Il raconte entre les lignes cet arrachement au bonheur auquel personne n’échappe, et l’absolue nécessité de nos intelligences collectives pour y faire face et vivre ensemble un équilibre, une harmonie.

A suivre…

Propos recueillis le 20/12/2023

 

Et pour aller plus loin :

Le site de Caroline Riegel

Où se situe la nonnerie de Tungri ?

Tungri – © Humanvibes (2024) – Google My Maps

 

Bande annonce du documentaire Zanskar, les promesses de l’hiver.

Zanskar, les promesses de l’hiver / Caroline Riegel – Festival Partances (2022) – YouTube

 

Marc / Humanvibes

Publié le 16/01/2024


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