Château de Valençay : « Bienvenue chez le prince de Talleyrand. »

📷© Château de Valençay.

« L’interview sans détour (presque) imaginaire » de Humanvibes, permet de donner parfois la parole à des édifices qui ont une personnalité et qui méritent d’être mis en avant. C’est avec plaisir que le château de Valençay situé au cœur du Centre-Val de Loire, l’un des trésors de notre patrimoine, s’est confié (*) bien volontiers lors de cet exercice d’introspection !

Votre état d’esprit du moment ?

CHÂTEAU DE VALENÇAY – Aristocratique.

L’expression qui vous caractérise ?

Bienvenue chez le prince de Talleyrand !

Qui a cru en vous ?

Napoléon Bonaparte ! En 1803, Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord m’acquiert, dont mon domaine s’étendait sur 12 000 hectares dans l’Indre grâce à une occasion unique et au soutien déterminant de l’empereur. Sous l’impulsion de ce dernier, cette acquisition en faveur de son ministre des relations extérieures avait pour but de lui offrir une résidence à la hauteur de son statut et de ses responsabilités. Napoléon Bonaparte aspirait à ce que Talleyrand, puisse accueillir avec faste les dignitaires et les diplomates étrangers, renforçant ainsi l’image de la France sur la scène internationale.

Ce que vous avez vu de grandiose préparé dans vos cuisines ?

Les pièces montées inventées par le chef Marie-Antoine Carême, dit Antonin Carême (1784-1833), qui étaient de monumentales sculptures en sucre comme centres de tables et qui ont émerveillé toute l’Europe. Carême, que l’on nommait « le chef des rois, le roi des chefs » a eu un grand impact sur le monde culinaire à la fois pratique et théorique, élevant sa discipline au niveau des arts visuels.

La dernière fois où vous vous êtes dit que vous aviez de la chance ?

Quand après de grands travaux, j’ai pu à nouveau être offert au regard des visiteurs le 30 mars 2024 sans mes nombreux échafaudages qui me recouvraient depuis le début du chantier, en 2011. Et puis mes illuminations féériques nocturnes à la nuit tombée toutes les 15mn durant les fêtes et les décorations de mes pièces avec leurs décorations de Noël sont un enchantement !

Château rime avec ?

Photos, et décors de tournages. J’ai notamment vu passer le réalisateur Claude Chabrol en 1973 pour son film « Les Noces rouges » avec Michel Piccoli, Stéphane Audran et Claude Piéplu. Plus récemment, l’auteur-compositeur et pianiste Alain Manoukian est venu tourner en septembre dernier un numéro de son émission « Château ! » pour France 3.

*Les cuisines © Château de Valençay – © Châteaux & Histoire | Pierre Holley*

Un festival musical qui attire l’attention ?

Je suis très éclectique ! Je passe aisément d’un festival Talleyrand dans mes jardins, à celui de musique baroque dans mon théâtre de style italien. On a même entendu depuis ma cour d’honneur de la musique électro durant le Festival Rêvoluktion One, en juin 2025.

Des défis sur le chemin ?

Je suis le château le plus visité de l’Indre, répertorié aussi parmi ceux de la Loire, avec un record de 113 000 visiteurs en 2024. Mes rénovations m’ont donné un nouveau rang ainsi que toutes les animations régulières que je propose. Il existe une multitude d’activités culturelles, gastronomiques et de spectacles qui sauront séduire aussi bien les enfants que les adultes. Sachez qu’en décembre, il sera proposé l’exposition « L’Empire des jouets » où vous découvrirez des jouets insolites en LEGO®, Playmobil®, Barbie®, Méccano®, Kapla®, Rubiks’cube®… dédiés à l’univers du Premier empire sous Napoléon. Il faut continuer dans cette voie, sans aucun doute, bien servi par mon directeur, Alexis Rousseau-Jouhennet depuis octobre 2023, avec un objectif de 200 000 visiteurs à l’horizon 2032 !

Le livre de chevet que vous recommandez ?

« Le premier des chefs, l’exceptionnel destin d’Antonin Carême » (2021), aux éditions Flammarion de Marie-Pierre Rey, une biographie riche en enseignements, notamment, sur l’arme de séduction massive que pouvait représenter l’art culinaire. Cela témoigne de l’importance de la table au sein de mon domaine, Talleyrand ne disait-il pas « On ne fait pas de bonne diplomatie sans un bon déjeuner. » ?

*La salle à manger peut accueillir trente-six convives © Château de Valençay*

Votre plus grand luxe actuellement ?

Celui de faire visiter mes cuisines situées au sous-sol de mon aile ouest, où le très réputé Antonin Carême y a officié pendant 12 ans. Une telle personnalité en son sein, ce n’est pas donné à tous les châteaux ! En été, la compagnie théâtrale Caméléon Production redonne vie aux personnages emblématiques de Valençay tout en célébrant l’art de l’hospitalité à la française.

Un secret qui ne doit plus en être un ?

Ma construction a débuté au XVIe siècle sous l’égide de la famille d’Estampes. Au-delà des figures historiques qui m’ont accompagné, je recèle des secrets méconnus du grand public. En effet, sous ma splendeur actuelle se cache une salle d’une forteresse médiévale. Des textes attestent l’existence de ma seigneurie de Valençay dès le XIIIe siècle, elle relevait alors du comté de Blois. L’emplacement et le nombre de mes salles demeurent pour l’instant incertains pour les spécialistes, mais il est indéniable qu’un château se dissimule sous mon château, mais désolé, je laisse planer l’énigme…

Une anecdote ?

Durant la Seconde Guerre mondiale, j’ai été sélectionné, comme Chambord, par le musée du Louvre pour abriter en secret plusieurs chefs-d’œuvre, dont des statues antiques emblématiques telles que la Victoire de Samothrace et la Vénus de Milo.

*Parcs et jardins où l’on trouve vingt-cinq espèces d’arbres © Château de Valençay*

La dernière fois où vous avez ressenti une grande fierté envers vous-même ?

Quand mes écuries après cinq décennies sans pensionnaires, ont retrouvé vie en 2024 grâce à une résidence d’artistes équestres en collaboration avec Les écuries d’Arcadie. Une dizaine de chevaux et de poneys ont investi les lieux conçus par Talleyrand, tandis que les équipes s’emploient à prendre soin des animaux et à redonner vie à cet espace historique qui m’est cher. Les visiteurs peuvent observer les chevaux et le processus de dressage, tout en profitant de deux spectacles quotidiens qui animent les écuries du Prince.

Le sujet sur lequel vous êtes intarissable ?

Sans aucun doute sur Talleyrand. Grâce à l’association « Les Amis de Talleyrand » dont l’assemblée générale s’est tenue ici même en octobre dernier. Depuis 1998, des passionnés s’engagent à enrichir et à préserver les connaissances historiques sur Talleyrand, une entreprise d’une ampleur considérable. Figure publique d’une longévité exceptionnelle pour son époque, il a souvent été sujet à des jugements biaisés, tant en sa défaveur qu’en sa faveur.

Une chanson qui vous ressemble ?

« Pilots » de Goldfrapp sortie en 2000. La voix d’Alison Goldfrapp et les arrangements oniriques du titre reflètent bien toutes mes époques traversées, les changements de régimes et les mystères qui s’y rattachent.