Crédit photo hôtel La Terrasse © Marc Bélouis / Humanvibes 2025 –
À l’hôtel La Terrasse***, situé au bord de la plage de Fort-Mahon, Franck se retrouve, par un heureux hasard, dans les bras d’Opaline, une mystérieuse inconnue. Mon « avis novélisé » sur cet établissement, niché entre la Baie d’Authie et la Baie de Somme, évoque une romance moderne, comme un hommage au réalisateur Claude Lelouch. À Fort-Mahon, sur la magnifique plage de sable fin, pourrait-on y écrire une nouvelle histoire entre un homme et une femme, résonnant comme un doux refrain : daba daba da, daba daba da…
« Générique » / Musique de Sol Seppy – Slo Fuzz
Dimanche 25 mai 2025 / Hôtel La Terrasse*** – Fort-Mahon-Plage – 15 heures 12
Ooh, I wish I could fly
Through the sky
And the moon above me
Ooh, I wish I could talk
To the gods and the birds above me
Sol Seepy chantait depuis les enceintes de mon lecteur CD. Je coupais le moteur. J’eus la chance de trouver une place réservée aux clients de l’hôtel, juste devant l’établissement La Terrasse. Après m’être fait remettre la clé de la chambre 219, je décidais de faire un tour sur la digue avant de monter mes bagages. Le vent soufflait extrêmement fort et m’empêchait parfois d’avancer. On associe souvent la tempête au mauvais temps, mais aujourd’hui le ciel était parfaitement bleu. Les mouettes semblaient figées dans l’air, se laissant porter par le flux du vent. Elles émettaient un « keow » perçant, répondant à quelques goélands. Après m’être installé sur un banc une bonne demi-heure pour suivre la marée montante devant le bar de la plage, je me dirigeais à nouveau vers l’hôtel. La foule de touristes arriverait dès demain pour profiter de la semaine, ou le jeudi de l’Ascension permettrait de faire l’un des nombreux ponts de ce mois de mai 2025.
Je montais au second pour prendre possession de ma chambre. Depuis la fenêtre parée d’un petit balcon, une vue splendide sur la plage s’offrait à moi. Je l’ouvrais et le vent fit virevolter les rideaux qui ne demandaient qu’à prendre l’air. La digue était balayée par le sable qui tournoyait sur la lettre H écrit en très gros sur le sol qui servait à guider l’atterrissage des hélicoptères, tout près du poste de secours qui dominait la plage sur la gauche. Plus au nord, Berck-sur-Mer, la station balnéaire voisine, visible de la plage et plus particulièrement de la pointe sud de la Baie d’Authie. Je refermais les deux portes battantes et j’aperçus une autre fenêtre sur la droite, où le soleil éclairait sans hésitation la salle de bain / toilettes. La disposition de la baignoire me donnait une idée pour la fin de l’après-midi…

Alors que je passais à nouveau par l’accueil, je croisais une joyeuse bande de touristes de séniors flamands. Je me faufilais parmi eux, ouvrit la porte d’entrée pour me rendre à ma voiture et récupérer mes bagages. Une rafale de vent me déstabilisa et me fit trébucher en bas des marches pour finir par atterrir dans les bras d’une jeune femme qui se rendait à l’hôtel.
– Oh ! Veuillez m’excuser, fis-je d’un air contrit. À cette heure-là, je n’ai pas encore bu, je vous rassure.
– Je vous en prie ! répondit-elle. J’ignorais que j’avais un tel pouvoir d’attraction.
– Causé par le vent. C’est lui le coupable !
– Certainement, lança la jeune femme sur un ton amusé. Opaline, reprit-elle en me tendant la main.
– Franck, enchanté.
Opaline me serra la main avec beaucoup de fermeté.
– Bien, je vous laisse et faites attention, ils annoncent un vent fort toute la journée à la météo, je ne serai pas toujours là pour vous rattraper, glissa-t-elle malicieusement.
Je la laissais se présenter à l’accueil. La porte se referma sur son passage. Mes bagages récupérés, j’en profitais pour prendre connaissance des menus proposés qui étaient affichés à l’extérieur. De nouveau à la réception, je me renseignais sur l’heure du dîner qui débutait à 19 heures.

Je réintégrais ma chambre et je me fis couler un bain moussant bien chaud. Quel luxe de se prélasser tout en ayant une vue sur la plage ! Plus bas, le vent s’en donnait toujours à cœur joie en jouant avec les passants. Ils luttaient pour ne pas perdre leur casquette, bob ou chapeau. Ils entamèrent une chorégraphie silencieuse dans une vaine tentative ridicule d’évitement qui n’aurait pas déplu au cinéaste Jacques Tati ! Bien relaxé, j’ouvris ma valise et je choisissais pour le dîner un pantalon noir et un polo de la même couleur qui ferait ressortir mon teint halé, pensais-je coquettement. À 19 heures 15, j’étais en bas dans la grande salle de restaurant où trois couples d’un certain âge étaient déjà attablés. Elle était faite en rotonde avec une vue parfaite sur la digue et le soleil orangé qui continuait sa descente inexorable vers les vagues, tout en jouant à cache-cache avec quelques nuages. Je finis par voir Opaline de dos, seule, les mains jointes sous son menton, pensive… Ses cheveux mi-longs ondulés descendaient en cascade sur ses épaules. Alors que je passais devant le bar, la porte battante de la cuisine au hublot de navire s’ouvrit soudainement.
– Tiens, tu peux servir la jeune femme de la 5 au bout près de la fenêtre, s’il te plaît, me lança à peine sans me regarder une serveuse toute de noir vêtue.
Elle s’engouffra dans la cuisine après m’avoir précipitamment mis dans les mains l’entrée au saumon fumé.
– Euh…Oui.
Je pris l’assiette mécaniquement sans réagir. Elle sentait bon le bois de hêtre. Amusé, je n’avais plus qu’à jouer le jeu puisque l’on m’avait donné l’ordre de servir à table. Je me dirigeais vers Opaline. Arrivé à sa table, je me mis à tousser pour la sortir de sa rêverie.
– Madame, Saumon Fumé Maison et sa Crème acidulée. Bon appétit !
Opaline s’esclaffa.
– Mais vous êtes parfait Franck ! Félicitations.
– Disons que j’ai toujours eu le goût du service. Ce sera une expérience de plus pour étoffer mon CV. Je pris place en face d’elle.
Au même moment, la responsable de la salle et ma N+1 d’un soir qui m’avait tendu l’assiette s’approchèrent de nous, affolées.
– Nous sommes vraiment désolées, Monsieur. C’est une méprise. Caroline est arrivée aujourd’hui et…

Caroline coupa net sa supérieure.
– Oui, comme il devait y avoir un nouveau habillé aussi en noir, je vous ai pris pour lui, encore toutes mes excuses, avoua-t-elle la tête basse.
– Ne vous en faites pas, tout va bien, rassurez-vous. Je ferai plus attention au dress code de la salle la prochaine fois. D’ailleurs, je me suis permis de m’installer en face de Madame pour l’accompagner durant le dîner, si elle m’y autorise, bien évidemment.
– Je vous en prie, avec plaisir, fit Opaline dans un large sourire charmant.
– Je vous apporte tout de suite la carte, Monsieur, articula la jeune serveuse.
– Pas la peine, je vais prendre un saumon, le filet de bar avec sa crème de curry et pour finir la tatin tiède et sa crème épaisse, ce sera parfait.
– C’est… com…c’est entendu, bafouilla Caroline
Les deux femmes se dispersèrent comme une volée de moineaux.
– Voilà un repas qui va passer crème, c’est certain, rigola Opaline.
J’estimais qu’il était temps de faire plus ample connaissance.
– Bien… Opaline, joli prénom en rapport avec la côte ?
– D’Opale, absolument ! Mes parents venaient souvent dans la région, de Saint-Valery-sur Somme à Dunkerque, j’en suis le fruit depuis 47 ans, en quelque sorte. Et l’élément liquide est important dans ma famille, car il paraît que j’aurais un oncle d’Amérique, que je ne connais pas, qui aurait été navigateur, c’est vous dire. Et vous, qu’est-ce qui vous amène ici ?
– J’aime à dire que c’est mon troisième trip. Le mot anglais y fait plus le lien, je trouve, avec le côté randonnée, aventure, découverte et le bol d’air plutôt que celui de voyage.
Caroline déposa délicatement le saumon devant Franck.
– Vous verrez, c’est délicieux, affirma Opaline. Le goût fumé du bois de hêtre est divin ! D’ailleurs, vous avez mentionné qu’il était fumé en précisant « fait Maison », non ?
– Effectivement, on remarque la différence…
– Le sous-sol de l’hôtel regorge de surprises. Vous y trouverez le fumoir à poissons, et un autre lieu étonnant dont je garde le secret jusqu’au dessert. Tout cela était déjà présent quand le nouveau directeur est arrivé ici.
– Vous en savez des choses ? Déformation professionnelle, peut-être. Attendez… Vous êtes dans la police ?
– Non ! Mais il y a un peu de ça. Je suis journaliste dans un magazine touristique. J’enquête, j’essaye de dénicher des pépites, comme on dit et en ce moment je suis en repérage. Cet établissement en est une, vous ne trouvez pas ?
– Tout à fait !

– Et vous ? À part jouer à la dînette de temps en temps, vous faites quoi ? Attendez, laissez-moi deviner. Sport à voile professionnel ? Kytesurf ? Char ? Planche ? Catamaran ?
– Non, rien de tout ça. Je pratique le cerf-volant depuis des années, certes, mais c’est mon seul lien avec le vent et la tempête qui décoiffent comme aujourd’hui. Je travaille sur les marchés financiers. J’avais besoin de faire un break pour me ressourcer, précisa Franck au moment où Caroline apporta les deux filets de bar.
– Hmm ! Ça sent bon ! apprécia-t-elle en s’imprégnant du fumet que dégageait le plat.
– Avec la crème de Curry, parfaitement dosée, lui répondis-je, en la goûtant avec ma fourchette.
– Vous parliez de troisième trip tout à l’heure, et les deux précédents ?
– Le second, classique. Mais c’est surtout le premier ! Il m’a marqué par une anecdote amusante. En 1970, pour être précis. J’avais 6 ans. Ma mère avait décidé que nous passerions nos vacances de Pâques à Fort-Mahon, avec mes deux frères – je suis le petit dernier. Elle décida un jour de nous emmener à la piscine de Berck-sur-Mer, mais nous n’avions pas de voiture. Elle comptait faire du stop. Quand on connaît ma mère, c’est étonnant ! Bref, sur la route après quelques tentatives infructueuses, un couple de retraités nous prirent avec eux. Tout se passa bien à la piscine qui était encore celle historique en bois qui a été totalement détruite par un incendie, fin 1982, je crois bien. Sur le retour, on a eu beaucoup de difficultés à ce que l’on nous prenne en stop. Mes frères me portaient à tour de rôle sur le dos, la nuit allait bientôt tomber, et…
– Et…fit Opaline, captivée par mon récit.
– C’est le même couple de retraités qui revenait de leur journée qui nous ont repris en stop ! Quelle était la probabilité de…
– … une quinzaine de kilomètres entre les deux villes, ça commence à faire, vous avez eu de la chance !
– Oui, une sacrée aventure à mon âge. Pour fêter cette histoire qui finit bien, entamons les tartes tatin qui n’attendent que ça !
Concentrés sur l’histoire, nous n’avions pas fait attention que la jeune serveuse nous avait apporté nos deux assiettes.
– Et donc, cet autre lieu que vous deviez me dévoiler au dessert ? questionnais-je.
– Hmm, efcusez-moi, j’aiff la bouffe pleine… Oui, tout à fait. Restons dans le fumoir, si vous le voulez bien.
– Celui du saumon ?
– Non. L’ancien propriétaire accueillait de nombreux clients Anglais, et pour leur être agréable, a créé une salle de jeux et télévision totalement insonorisée avec un bar à cigares, mais surtout avec une déco qui ressemble un peu à celle du Nautilus de Jules Verne ! Cela vous dirait de taper le carton avec moi ? Il me manquait justement un partenaire ce soir pour jouer à un jeu sympa, pas du tout prise de tête qui s’appelle Hilo.
– Avec grand plaisir ! Mais pas trop longtemps, si vous me le permettez car je compte bien profiter du coucher du soleil qui s’annonce.

Cette fin de soirée fut parfaite. Vraiment, Opaline était pleine de surprises, aussi étonnante que les beaux paysages des 138 kilomètres de la côte. J’en profitais à la fin des trois parties pour admirer le coucher de soleil, spectacle toujours magique si le ciel le permet. La mer battait son plein. Je regardais les vagues finirent leur voyage sur cette plage de Fort-Mahon. L’air marin enivrant m’emplissait les narines et les neurones et me donnait une sensation immense de liberté. Demain, serait un autre jour. Un autre en compagnie d’Opaline…

Le lendemain matin, dès 6 heures, je regardais la mer qui montait. C’était les grandes marées et je m’inquiétais un peu pour le bar de la Plage de ma fenêtre. Je n’étais pas le seul, car un engin tractopelle ramenait des gros tas de sable devant l’établissement par mesure de précaution. Je descendis prendre l’air. Dans la remorque d’un tracteur, il était disposé quatre cabines blanches que le conducteur amenait sur la plage pour compléter la vingtaine déjà installées pour la saison estivale. Je tombais sur Opaline qui faisait son jogging matinal avec un casque audio sur les oreilles. Je lui fis une proposition.
– Bonjour Opaline, on se retrouve dans la salle du petit-déjeuner, disons à 7 heures 30 ?
– Pardon ? Attendez je retire mon casque.
De ses écouteurs, je reconnaissais le fameux titre Svefn-g-englar.
– Atiyouou, dis-je mes yeux dans ses yeux bleus azur.
– Vous connaissez les Islandais de Sigur Rós ? C’est dingue !
– Je les ai vus en concert deux fois, dont un mémorable à l’Olympia en 2005 dans la composition initiale du groupe.
– J’adore écouter ce style de musique planante avec cette immensité naturelle autour de moi, ça me donne des frissons. Je me sens vivante.
– Donc, je disais que l’on pouvait se retrouver pour le petit déjeuner, d’ici, quoi 1 heure 30 ? osais-je à nouveau.
– C’est entendu ! Et si vous êtes disponible, on pourra se balader plus tard dans la dune de l’Authie, juste derrière. Vous verrez, parfois on peut faire de belles rencontres comme celle avec des vaches écossaises Highland Cattle, par exemple.
– Très bien !
Je remontais dans ma chambre. Une belle journée s’annonçait. Je vis passer dehors Opaline qui traversait en grandes foulées élégantes le H de la digue. H comme harmonie, H comme heureux.
« Générique » de fin / Musique de Else – Ocean
© Marc Bélouis / Humanvibes le 12/06/2025
« Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence ».
Et pour aller plus loin :
Où se trouve l’hôtel La Terrasse*** à Fort-Mahon-Plage ?
Google My Maps © Humanvibes (2025) – Icône Smashingstocks
La plage de Fort-Mahon vue d’en haut.
Marc / Humanvibes