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Avis sur "Le soldat désaccordé" de Gilles Marchand (4/6)

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                                                                                 Avis sur  "Le soldat désaccordé" de Gilles Marchand (4/6)

 

Avis sur Le soldat désaccordé de Gilles Marchand (4/6)

Voyage au bout d'un mystère © Aux forges de Vulcain

 

HUMANVIBES VOUS RECOMMANDE - La Grande Guerre comme vous ne l'avez jamais lue ! Mon avis "novélisé" en six chapitres sur le nouveau roman de Gilles Marchand -  "Le soldat désaccordé" - aux éditions Aux Forges de Vulcain.

 

                                                                                                                                    SOLDAT LAPLUME (4/6)

                                                                                                              Avis sur Le soldat désaccordé de Gilles Marchand (4/6)

             

Albert, le 17 juin 1916

Ma chérie,

Comme je te l’ai écrit dans ma précédente lettre, il se prépare quelque chose d’important mais je ne peux pas t’en dire plus, tu sais bien pourquoi. Parfois, curieusement, j’entends parler anglais dans les rangs, nos alliés Britanniques ne sont pas loin. C’est un nouvel anniversaire encore passé loin de nous trois. Comment va notre petite Suzanne ? Dis lui que je pense bien à elle. J’imagine sa voix, son sourire... Deux ans que je suis loin de toi. Je m’accroche à toutes les bonnes nouvelles même si elles me paraissent présomptueuses. Deux ans...Combien de temps vais-je passer sur le front ? Jespère avoir de bonnes nouvelles de vous deux, ça ne me fera que du bien.

Ton Lucien qui t’aime tendrement

                                                                                                                               *

 

Albert, le 03 juillet 1916

Mon amour,

C’est dur. Tu dois être au courant que les Britanniques ont tenté une offensive qui s’est mal terminée… Nous n’y avons pas participé, c’est déjà ça, mais je ne m’habitue pas à cette routine meurtrière. Les copains sont encore là, mais pour combien de temps ? Je m’accroche. Dans les tranchées, ça gamberge pas mal suite à l’attaque des Britanniques. Il va falloir qu’on montre le bout de notre nez. Lorsque les Boches balancent des obus sur nos positions, on essaye de se protéger au mieux et de rejoindre nos abris en bois sous la terre, terrés comme des rats. On s’y entasse parfois à une trentaine. Les explosions entraînent une baisse de tension. La seule malheureuse ampoule de notre abri clignote, et parfois ne se rallume pas. Cela me fait repenser à nous deux. Je me trouve dans ma petite chambre. Tu te souviens du code que l’on avait mis en place ? Les lampes du plafonnier des chambres étant reliées à un tableau général dans l’office, vous pouviez savoir si les clients étaient présents ou non. On en riait tous les deux. Dès que j’étais rentré, j’éteignais puis allumais trois fois de suite la lampe, c’était le signal pour te dire que j’étais , et que tu pouvais monter. Hôtel Triomphe ! Tu parles d’un nom. J’aimerais retrouver celui qui a baptisé cet hôtel. À propos de baptême, tu ne m’as pas dit si tu comptais donner le sacrement à notre petite Suzanne ?

Je te serre contre moi.

Lucien

                                                                                                                                 *

 

Mametz, le 12 juillet 1916

Ma très chère Jeanne,

J’ai quitté Albert pour rejoindre un village qui avait été repris par les Britanniques lors de l’offensive de début juillet. Je dois revenir mais je ne serai pas tout seul. Un Anglais doit m’accompagner, il s’appelle Jarvis Colter, heureusement il parle bien français ! Il a vingt trois ans et est photographe. Il doit envoyer des témoignages photographiques qui seront transmis à différents journaux en Angleterre, et pourquoi pas en France, m’a t-il dit. Ordre est donné de remonter le moral à l’arrière. Je ne sais pas si je serai pris en photographie, ce serait drôle, non ? Moi quand j’observe l’ennemi, moi quand je joue aux cartes, moi quand je t’écris, moi quand je mange, moi quand je dors, moi quand je pense à toi. Comme je n’arrête pas de t’écrire et que je conserve ma belle plume dans ta petite boîte jaune que j’ouvre régulièrement, on m’appelle maintenant Laplume ! Soldat Laplume. Ça sonne bien. On dirait que tout le monde s’est donné le mot ! Même mon capitaine de section m’appelle ainsi. Soldat Laplume, au rapport ! Cela me fait sourire, moi qui rechignais à écrire à l’école. Comment allez-vous, toi et Suzanne ?

Je t’embrasse amoureusement.

Ton Lucien qui t’aime

                                                                                                                                     *

 

Albert, 30 juillet 1916

Je vais bien.

Ton Lucien qui t’aime.

                                                                                                                                      *

 

Albert, le 03 août 1916

Mon amour,

Nous avons été bombardés toute la nuit dernière, nous récupérons tant bien que mal. Mon amour, mon amour, que j’ai eu peur de te perdre. Mon amour… La semaine passée, nous sommes sortis de nos positions pour tenter une avancée, qui n’a  finalement rien donné. Tu étais avec moi dans ce dédale de trous d’obus. Je courais comme un fou, je ne savais pas où j’allais. Je canardais sans trop savoir où je tirais. Cette course contre la mort, c’était une course contre la folie. Le vacarme était assourdissant. On n’y voyait presque rien avec la fumée des explosions autour de nous, les gaz, le bruit terrible de l’artillerie allemande qui fauchait tout devant elle. On criait pour se donner du courage, mais très vite les cris de douleur, les râles des copains te vrillaient la tête. Les corps étaient déchiquetés, où volaient comme des marionnettes dans le meilleur des cas dans un déluge d’acier. On ne voyait pas grand-chose, on avançait dans une brouillasse perpétuelle. Tout était gris. Ensuite il fallait tenter de revenir. Tu tournais le dos à la grande faucheuse. Elle redoublait d’ardeur. Ce qui se passe ici, tu ne peux pas l’imaginer, mon amour, personne ne peut l’imaginer. Quand cela finira t-il... As-tu des nouvelles de ton côté dans les journaux ? Cela se passe-t-il bien à l’hôtel ? Et comment vont nos tourterelles ? Je me souviens que nous aimions les regarder se poser sur la balustrade de ma chambre du 4e en écoutant Erik Satie. La musique couvrait les bruits de la rue Poissonnière. Elles aussi avaient l’air d’apprécier les Gymnopédies. Elles en profitaient pour se donner des petits coups de bec, tu disais pour rire qu’elles se bécotaient. J’espère que celle au collier blanc ne m’en veut pas de lui avoir emprunté une plume, dis-lui bien que je lui rendrai à mon retour. Je l’ai toujours dans ta boîte. Soldat Laplume. Il aimerait bien être de retour le soldat Laplume et te serrer contre son cœur. Retour. Ce mot ne nous quitte pas. On l’a tous à la bouche. Il nous obsède tous. Retour, retour… Et puis on se mariera, n’est-ce pas ?

L’Anglais dont je t’ai parlé dans ma lettre du 12 est toujours avec moi. Nous nous entendons bien. Il mitraille, mais avec son objectif, c’est plus pacifique. Si tout le monde pouvait faire comme lui de chaque côté... On se serre les coudes. Parfois il essaye de mettre un peu de poésie dans ses photos, comme il dit. Figure-toi que je t’écris au pied d’un arbre, oui, tu as bien lu, un arbre. Comment peut-il être encore debout ? Il a même des feuilles. Jarvis l’a pris sous toutes les coutures et moi avec. Il est même monté dedans deux ou trois fois pour avoir une meilleure perspective, mais c’est assez dangereux. Cet arbre est notre compagnon. Sa présence nous relie encore au monde des vivants. Jarvis a fait un vœu, s’il lui arrive quelque chose, il souhaite être enterré sous un arbre ! Il l’a écrit sur un papier qu’il garde sur lui, au cas où. Il m’a dit d’en faire autant, ce n’est pas une mauvaise idée.

Très tendrement à toi et à Suzanne.

Ton Lucien qui t’aime plus que tout.

                                                                                                                                             *

 

Albert, le 12 août 1916

Jarvis va nous quitter. Rassure-toi, il n’est pas blessé. Il doit être transféré du côté d’Étaples dans le Pas-de-Calais, toujours pour réaliser des photos, mais cette fois-ci dans les hôpitaux. Je m’étais habitué à sa présence. Certains de mes camarades blessés ont quitté le front. Ils viennent remplir les hôpitaux de fortune installés à l’arrière. Je ne sais pas si c’est mieux pour eux de quitter cet enfer ainsi. Estropiés, défigurés, quelle vie les attend ? Quel avenir pour ces pauvres soldats ? Je me sens tellement fragile, minuscule. Je me sens inutile, tu ne sais pas à quel point. À quoi je sers ? Est-ce moi avec mes tirs désordonnés et mes cris de sauvage qui vont nous faire gagner la guerre ? Ai-je déjà tué ? Je n’en sais rien. Cette rage qui m’habitait au début, je ne l’ai plus. J’essaye de trouver des forces pour penser à toi. Cela m’est de plus en plus difficile de me concentrer sur ton corps, ton visage, tes rires, sur notre vie d’avant. Tout s’efface comme si une gomme invisible s’amusait à tout faire disparaître. Envoie-moi vite une photo de toi et de Suzanne, si tu peux. La mort me hante. Ça gronde autour de nous. Les obus tombent comme s’il en pleuvait. Je veux que ça s’arrête. Je crie la bouche ouverte remplie de terre mais aucun son ne sort. Je veux que tout ça s’arrête. Quand ?

 

À suivre…

 

Marc / Humanvibes

Publié le 13/10/2022

 

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