
Épisode (2/2) de mon « avis novélisé » sur le roman « Everglades » de R.J. Ellory paru le 10 avril 2025 aux éditions Sonatine.
« Moi, Rose Stappleton, saine d’esprit déclare donner à mon neveu, Charles Costwell, le roman de R.J. Ellory, intitulé « Everglades.
Thomasville est ma ville de cœur où j’ai vécu et connu beaucoup de bonheur et de tristesse. La disparition de Paul m’a beaucoup affecté. On ne se remet jamais de la mort de ses enfants. J’ai vécu par la suite comme une personne qui était hors d’elle. Cela a réveillé des évènements que je croyais enfouis pour toujours. J’ai été incapable par la suite d’y mettre des mots pendant des années, je n’avais pas la force, et surtout cela m’était interdit ! Si seulement le hasard ne m’avait pas fait rencontré Sarah Kenyon… Je l’ai côtoyée dès 1974, nous étions très proches, je l’appréciais beaucoup. Au fil des années, lors de nos conversations, elle a fini par lâcher des choses terribles sur sa vie. J’ai fini par la perdre de vue, malheureusement. Un appel téléphonique qui n’est pas donné à temps, et puis la relation s’étire comme un élastique qui finit par craquer, c’est la vie. Mais à l’époque, elle m’avait fait jurer de n’en parler à personne. Tu me connais, je n’ai qu’une parole.
Et puis dernièrement, je découvre une nouveauté traduite en français à la bibliothèque. Dans le roman d’Ellory, tout y est expliqué dans les moindres détails. Comment a-t-il fait ? Je ne sais pas, mais cela a été pour moi une libération : le romancier racontait l’histoire de ma Sarah par procuration, mais pas seulement la sienne, en prenant comme décor un pénitencier en Floride où l’on pratiquait la peine capitale dans les années 70. Est-ce que c’est toujours le cas, je ne sais pas. Mais ce roman est passionnant et déchirant, je ne connaissais pas cet auteur, il est arrivé au bon moment dans ma vie. Tout était devenu limpide pour moi. Un pan de l’histoire de mon amie défilait devant mes yeux… J’ai dorénavant l’esprit tranquille, et la certitude du devoir accompli vis à vis d’elle.
Charles, j’écris cette lettre en français, car tu connais ma passion pour ce pays que je ne connais pas, mais que j’ai toujours porté en moi. Il m’a semblé que te donner ce livre dans la langue de Molière que je me suis procuré sur Amazon, serait un clin d’œil perpétuel à ma mémoire. Ainsi, je partage avec toi ici-bas, et moi dans l’au-delà, la possibilité de toujours conserver un lien invisible en souvenir.
Ouvre ce livre et tu verras…
Je peux partir en paix.
Ta tante Rose qui t’a toujours aimé. Prends bien soin de toi.
Charles, les larmes aux yeux, fixait Carrie Sanders. Elle pleurait. Elle lui adressa un sourire plein de compassion tout en prenant un mouchoir en tissu. Elle s’essuya les joues.
– Saine d’esprit ? La pauvre… murmura-t-elle. Son discernement était vraiment altéré, nous en avons la preuve écrite.
Elle tapa sur Internet le nom du roman pour y glaner quelques informations. Quelques minutes plus tard, elle reprit.
Désolée, il ne peut y avoir aucun lien entre la Sarah du roman et la sienne, quand bien même elle aurait vraiment connu une femme de ce nom dans les années 70. Faire des recherches ? À quoi bon.
– Apparemment, Sarah Kenyon est le facteur X du roman. En tout cas, Rose ne m’en a jamais parlé, confessa Charles. Donner un livre dans un testament, je la reconnais bien là ! ajouta-t-il en riant. Elle était très au fait sur le numérique et utilisait facilement Internet. C’était une sacrée femme !
– Je n’ai pas de conseil à vous donner, mais je vous encourage à lire le roman, bien sûr. D’ailleurs, une fois ces dossiers archivés, je m’y mettrai aussi. Tenez moi au courant, ce sera intéressant de confronter nos avis, précisa Carrie.
– C’est entendu, avec plaisir !
Elle remis le livre à Charles après lui avoir fait signer deux documents. Ils se serrèrent la main chaleureusement, puis prirent congé.
Charles, pensif, marchait dans l’allée qui le menait vers la sortie. S’il avait tourné la tête beaucoup plus loin sur sa droite, il aurait remarqué de très nombreuses roses de Noël resplendissantes comme pour le saluer sur son passage.
« Générique de fin » / Musique de Keith Kenniff – All I Needed
« Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence ».
© Marc Bélouis / Humanvibes le 27/06/2025